venerdì 26 aprile 2013

Memoires, avant midi.


“Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.”
“Una sera d’inverno, appena rincasato, mia madre accorgendosi che avevo freddo, mi propose di prendere, contro la mia abitudine, un po’ di tè. Dapprima rifiutai, poi, non so perché, mutai parere. Mandò a prendere uno di quei dolci corti e paffuti, chiamati maddalene, che sembrano lo stampo della valva scanalata di una conchiglia di San Giacomo. E poco dopo, sentendomi triste per la giornata cupa e la prospettiva di un domani doloroso, portai macchinalmente alle labbra un cucchiaino del tè nel quale avevo lasciato inzuppare un pezzetto della maddalena. Ma appena la sorsata mescolata alle briciole del pasticcino toccò il mio palato, trasalii, attento al fenomeno straordinario che si svolgeva in me. Un delizioso piacere m’aveva invaso, isolato, senza nozione di causa. E subito, m’aveva reso indifferenti le vicessitudini, inoffensivi i rovesci, illusoria la brevità della vita…non mi sentivo più mediocre, contingente, mortale. Da dove m’era potuta venire quella gioia violenta ? Sentivo che era connessa col gusto del tè e della maddalena. Ma lo superava infinitamente, non doveva essere della stessa natura. Da dove veniva ? Che senso aveva ? Dove fermarla ? Bevo una seconda sorsata, non ci trovo più nulla della prima, una terza che mi porta ancor meno della seconda. E tempo di smettere, la virtù della bevanda sembra diminuire. E’ chiaro che la verità che cerco non è in essa, ma in me. E’ stata lei a risvegliarla, ma non la conosce, e non può far altro che ripetere indefinitivamente, con la forza sempre crescente, quella medesima testimonianza che non so interpretare e che vorrei almeno essere in grado di richiederle e ritrovare intatta, a mia disposizione ( e proprio ora ), per uno schiarimento decisivo. Depongo la tazza e mi volgo al mio spirito. Tocca a lui trovare la verità…retrocedo mentalmente all’istante in cui ho preso la prima cucchiaiata di tè. Ritrovo il medesimo stato, senza alcuna nuova chiarezza. Chiedo al mio spirito uno sforzo di più…ma mi accorgo della fatica del mio spirito che non riesce; allora lo obbligo a prendersi quella distrazione che gli rifiutavo, a pensare ad altro, a rimettersi in forze prima di un supremo tentativo.”
Marcel Proust
“Colazione in giardino”
Giuseppe De Nittis

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